SARLANDIE DES RIEUX D’ANCEZUNE (Ernest)


20 novembre 1870 à Neufchâteau (Vosges) – mort pour la France le 27 février 1915 au Bois de Malancourt (Meuse).

Ernest sarlandie des rieux d'ancezune
© Bibliothèque nationale de France, Spectator, 31 juillet 1921, p. 1

Plus connu sous son nom de plume « Lionel des Rieux », Ernest Sarlandie des Rieux d’Ancezune est le fils du sous-préfet de Neufchâteau, sa ville natale. Lorrain de naissance, Périgourdin par son père, Provençal en ligne maternelle, c’est cette dernière origine qui l’emporte, fortifiée par l’éducation qu’il reçoit au collège d’Aix-en-Provence, où Charles Maurras le côtoie comme pour condisciple et ami depuis l’enfance[1]. Monté à Paris, avec son nouveau compère et Frédéric Amouretti, les trois hommes s’évertuent à faire incliner le Félibrige la capitale en faveur d’une orientation fédéraliste conforme aux idées de Frédéric Mistral. Quand la scission a lieu, les trois amis fondent l’école parisienne du Félibrige en 1894. Précédemment, Lionel des Rieux comptait parmi les premiers adhérents de l’École romane fondée par Jean Moréas et Charles Maurras en 1891[2]. Étudiant en droit, Lionel des Rieux est au fond un littéraire dans l’âme, et préfère composer des recueils de poèmes, inspirés de Charles Baudelaire et de Paul Verlaine, dès 1892. Sa passion lui fait même mener une campagne de critique poétique dans L’Ermitage, revue artistique et littéraire, en 1896[3]. Il participe également à la bataille littéraire de la revue Minerva en 1902 et s’adonne volontiers au théâtre en écrivant Hécube (1906), qui fut représentée au théâtre d’Orange[4]. Initialement bonapartiste, Lionel des Rieux est membre du quotidien La Cocarde dirigé par Maurice Barrès. Avec ce dernier et Paul Bourget, il se rend aux réunions nationalistes de « L’Appel du soldat ». Collaborateur de l’Enquête sur la Monarchie (1900), il devient quelque temps critique dramatique à la Revue d’Action française puis adhère pleinement au royalisme. En 1904, il publie son unique roman L’Amour au masque et collabore avec la Revue critique des idées et des livres. Le 3 décembre 1909, Lionel des Rieux transperce l’avant-bras du journaliste antimilitariste Victor Méric au cours d’un duel initié à la suite d’un article paru dans les Hommes du jour[5]. L’affaire aurait pu virer à l’accident mortel comme le rapporte Raymonde Delaunois, chanteuse d’opéra, car les deux hommes ignoraient l’escrime[6]. En juillet 1914, il entrevoit pour la dernière fois son ami critique théâtral Gabriel Boissy. Au début de la Grande Guerre, il sert dans l’armée en tant que sergent et insiste pour être envoyé au front, quoique d’une ancienne classe, et obtient gain de cause. Nommé adjudant au 112ème RI, il prend part à la bataille de la Marne[7]. Le 10 septembre, alors que son capitaine est mis hors de combat, il prend le commandement de sa compagnie et se retrouve blessé légèrement par un éclat d’obus reçu dans une jambe. Cette blessure le fit boiter six semaines[8]. Décoré peu de temps après de la médaille militaire pour sa belle conduite au bois des Corbeaux, il reçoit cette citation : « Le sous-lieutenant des Rieux, récemment adjudant de réserve au 112ème RI, bien qu’appartenant à la réserve de l’armée territoriale, a demandé dès le premier jour de la mobilisation à être affecté à un régiment actif et à être dirigé sur l’Est. N’a cessé de se distinguer dans tous les combats par une bravoure et un calme absolument remarquables, notamment à L… où, atteint d’un éclat d’obus qui lui occasionna une douloureuse blessure, il refusa de quitter son rang et à V…, par sa fermeté et son attitude, il maintint et entraîna sous un feu terrible sa compagnie dont tous les officiers étaient tombés. Le sous-lieutenant des Rieux — qui est un artiste distingué — donne l’exemple des plus hautes qualités morales et a su s’acquérir l’estime de ses officiers et de ses hommes »[9]. Dans les tranchées, lorsque le temps lui permet, il achève d’écrire une tragédie provençale intitulée le Comte d’Orange. La veille de sa mort, il envoie une dernière lettre à son ami Gabriel Boissy[10]. Le 27 février 1915, Lionel des Rieux est frappé d’une balle en plein cœur en entraînant sa section à l’assaut d’une tranchée allemande dans les bois de Malancourt[11]. Sa mort fait l’objet d’une citation à l’ordre de la 3ème armée : « A fait preuve des plus brillantes qualités pendant l’attaque du 26 février, excitant l’admiration de tous par son calme, son courage et son mépris du danger. A été tué le lendemain à la tête de sa section »[12]. Le 17 mars 1915, il reçoit le grade de sous-lieutenant de réserve à titre posthume[13]. La Légion d’honneur et la croix de guerre avec deux palmes lui sont également décernées[14]. Le 25 novembre 1915, l’Académie française lui rend hommage en le récompensant du prix Saint-Cricq-Theis[15].


[1] Almanach de l’Action française, 1918, p. 170-172.

[2] C. Maurras, « La mort de Lionel des Rieux » dans Tombeaux, op. cit., p. 61.

[3] Xavier de Courville, « Lionel des Rieux » dans Revue critique des idées et des livres, 1er novembre 1919, p. 527-536.

[4] Almanach de l’Action française, 1918, p. 170-172.

[5] L’Aurore, 4 décembre 1909.

[6] Raymond Delaunois, « Lionel des Rieux » dans Le Divan, 1er janvier 1924, p. 118-125.

[7] Registre matricule de la classe 1890 du n°1482 au n°1977 d’Antibes, Archives départementales des Alpes-Maritimes, 1 R 475.

[8] C. Maurras, chap. « Un soldat du XVe corps : Vie, mort et funérailles de Lionel des Rieux » dans L’Étang de Berre, Paris, Librairie ancienne Édouard Champion, 1915, p. 309-342.

[9] L’Action française, 29 octobre 1914.

[10] Gabriel Boissy, « Aux chorégies d’Orange » dans Revue critique des idées et des livres, 1er novembre 1919, p. 544-551.

[11] L’Action française, 8 mars 1915.

[12] Tableau d’honneur, morts pour la France : guerre de 1914-1918, Paris, Le Fare, 1921, p. 807.

[13] Almanach de l’Action française, 1918, p. 170-172.

[14] L’Action française, 13 octobre 1914.

[15] « Lionel des Rieux », Académie française [consulté le 12 août 2024]. Disponible sur : https://www.academie-francaise.fr/


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